Voyance sérieuse contre cirque médiatique : le match truqué

La voyance n’est pas un cirque : finissons-en avec le grotesque médiatique

Depuis 18 ans, j’exerce la voyance. Dix-huit années à rencontrer des milliers de personnes, à écouter, à percevoir, à guider, toujours avec la même exigence d’éthique et de sérieux. Dix-huit années au cours desquelles j’ai vu défiler toutes sortes de propositions médiatiques. Et j’en ai refusé des dizaines. Pas par peur des caméras, mais parce que, très vite, je reconnais les formats où la voyance n’est qu’un prétexte à la moquerie, un numéro de foire emballé dans un décor de télévision.

Car soyons clairs : la voyance dans les médias grand public est devenue une mascarade. On n’invite pas un voyant pour comprendre son travail, mais pour fabriquer un moment de divertissement rapide. Décor clinquant, musique dramatique, ricanements en coulisses… Le but n’est pas d’informer, mais de provoquer une réaction amusée. Et dans ce petit théâtre, il n’y a pas de place pour la profondeur, ni pour la vérité de notre métier.

La facilité du ridicule

Pour un producteur ou un animateur, rien de plus facile que de tourner la voyance en ridicule. Il suffit de choisir un invité improbable, de le pousser à dire une énormité et de monter la séquence de manière à déclencher les rires. Dans le couscous ou en hurlant... C’est simple, ça coûte peu, et ça attire l’audience. Mais cette paresse éditoriale a un prix : elle prive le public de toute compréhension réelle de notre discipline.

Car la voyance sérieuse, la vraie, ne ressemble pas à ce que montrent ces sketchs télévisés. C’est un échange intime, un travail d’écoute et d’interprétation. C’est aussi un engagement éthique : savoir refuser de répondre à certaines questions, ne pas manipuler, ne pas exploiter la vulnérabilité. Mais ça, évidemment, ça ne « passe » pas bien à l’écran : pas assez spectaculaire.

Dix-huit ans de métier… Et toujours le même cliché

Après 18 ans de pratique et une reconnaissance solide dans ma profession, je pourrais me prêter au jeu médiatique. Je pourrais dire oui aux dizaines de demandes que je reçois chaque année. Mais pourquoi irais-je me prêter à une mise en scène qui ne reflète en rien mon travail ? Pourquoi accepter de devenir un personnage de comédie pour valider une image fausse ?

Ces refus répétés ne sont pas de l’orgueil. Ils sont la conséquence d’un constat : tant que les médias ne feront pas l’effort de traiter la voyance avec sérieux, il n’y a rien à gagner à s’y exposer. Ni pour moi, ni pour la discipline, ni pour le public.

L’hypocrisie du « c’est juste pour s’amuser »

On me répond souvent : « Mais enfin, c’est juste pour divertir ! » Non. Le divertissement n’excuse pas tout. Lorsqu’on parle d’un sujet qui touche à l’intime, à la confiance, parfois à la détresse, on ne joue pas à la légère. Derrière chaque consultation, il y a une personne avec une histoire, une inquiétude, un espoir. Transformer cela en gag, c’est manquer de respect non seulement au voyant, mais surtout au consultant.

Et ce traitement médiatique n’aide en rien à protéger le public des dérives. Au contraire : en présentant la voyance comme un spectacle, on renforce l’attrait des charlatans, qui se nourrissent de cette image pseudo-magique et instantanée.

Ce que vous ne montrez jamais

Vous ne montrez jamais la voyance réelle. Vous ne montrez pas les heures passées à écouter, à recouper, à éclairer une situation. Vous ne montrez pas la rigueur, le doute, la responsabilité. Vous ne montrez pas que, dans 90 % des cas, une consultation n’a rien de sensationnel : elle est humaine, parfois émouvante, parfois dérangeante, mais toujours sincère.

Mais ça, bien sûr, ne fait pas « d’audience ». Alors on préfère la caricature. Croyez bien que quand une consultante joue son couple, elle, elle ne rigole pas.

À quand la fin alors ?

À quand la fin de cette démonstration grotesque ? À quand une émission qui ose montrer ce que la voyance est vraiment ? À quand un traitement qui différencie le charlatanisme de la pratique sérieuse ?

En tant que voyant depuis 18 ans, je n’ai pas besoin de la validation des médias. Mais le public, lui, mérite mieux que des clichés. Il mérite d’être informé, pas seulement amusé. Tant que vous persisterez à caricaturer la voyance, vous ne prouverez pas qu’elle est fausse ; vous prouverez simplement que vous craignez de la confronter avec honnêteté.

La voyance n’est pas un sketch. Et le jour où les médias l’auront compris, peut-être pourra-t-on enfin en parler autrement que sous les projecteurs d’un cirque improvisé.

Karl Stephane